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Dans notre vie culturelle, peu de mots ont autant de pouvoirs d'évocation que celui de «patrimoine». Il semble accompagner la multiplication des anniversaires et des commémorations caractéristique de notre nouvelle modernité. L'accumulation des traces et des restes mis au jour, conservés et appropriés selon différentes pratiques, y paraît répondre au flot de la production contemporaine d'artefacts. De la sorte, le patrimoine sanctionne à chaque instant le basculement accéléré d'objets ou de pratiques «en avant», comme le montre James Clifford dans son analyse du glissement des paradigmes de conservation'. Au long du xx siècle le patrimoine assume de plus en plus explicitement sa mise en œuvre positive, selon des jugements de valeur affirmant des choix. Les enjeux idéologiques, économiques et sociaux débordent largement les frontières disciplinaires (entre l'histoire, l'esthétique ou l'histoire de l'art, le folklore ou l'anthropologie)–ainsi que le montre, au cours des années 1970-1980, la reconnaissance de «nouveaux patrimoines», qui recouvre une profusion d'efforts publics et privés en faveur de communautés multiples. Progressivement, l'engouement pour la promotion et pour la valorisation du patrimoine fait figure de véritable «croisade» au sein du monde occidental². Nous ne cessons par conséquent d'évoquer des «patrimoines» à conserver et à transmettre, qui touchent à des univers parfaitement